J’ai pu au cours des années expérimenter de nombreuses techniques pour repérer, approcher et affûter les oiseaux, et pendant mes divagations sur le web, j’ai à de (trop) nombreuses reprises lu tout et n’importe quoi. Fort de ce constat, j’avais depuis longtemps en tête de proposer un contenu un peu plus pertinent et constructif que « cherchez les oiseaux, installez votre affût et attendez d’avoir de la chance ».
Avant d’attaquer à proprement parler tout ce qui concerne la photographie en elle-même, je pense qu’il n’est pas inutile de faire un bref intermède concernant l’éthique. On a vu fleurir les polémiques ces dernières années concernant l’éthique de certains photographes. Entre les loups dressés, les grenouilles clouées à des poteaux (ce n’est malheureusement pas une image), les chouettes attirées par une souris fixée au bout de la ligne d’une canne à pêche, […], les exemples ne manquent pas.
Pour moi l’éthique se traduit en une notion très simple : mon objectif est de limiter mon dérangement sur la nature au minimum. Alors parfois, j’entends des photographes qui sont très fiers d’expliquer que pour eux, une photographie est bonne quand ils ont réussi à photographier un animal sans le déranger. C’est bien, c’est un bon début, mais à mon sens, c’est insuffisant.
A mon sens, le dérangement c’est tout autant le dérangement de l’oiseau que le dérangement de son milieu. Pour simplifier, une bonne photo c’est celle pour laquelle je n’ai pas engendré de dommage au biotope et que je n’ai provoqué ni le stress, ni la fuite de l’oiseau, que ce soit en déclenchant, en arrivant dans l’affût ou en en partant !
Maintenant ce point éclairci, rentrons dans le vif du sujet. La première chose sur laquelle je vais me concentrer concerne le repérage et l’observation, qui sont des étapes primordiales pour garantir la réussite d’un affût. Ensuite, je présenterai un certain nombre de type d’affût et d’approche, avec leurs avantages et leurs inconvénients.
Evidemment, nul besoin de préciser que chaque situation, chaque biotope, chaque espèce va souvent imposer telle ou telle solution. Ici on ne parlera donc pas de billebaude (qui consiste en fait plus ou moins à se promener en espérant photographier quelque chose, je caricature volontairement). Autant pour les mammifères cette solution peut donner d’excellents résultats, autant pour les oiseaux, en particulier dans notre pays et dans les pays limitrophes, la billebaude ne donne que de maigres résultats tant les oiseaux sont farouches. C’est donc pour cette raison que nous allons essentiellement parler d’affût.
Mais avant de choisir son affût, il faudra passer par la case « connaissance ». Quand on commence à envisager « d’affûter une espèce », il faut évidemment déjà avoir une idée de l’animal que l’on veut photographier, ceci paraît somme toute plutôt logique !
Admettons par exemple que vouliez faire des photos de martin pêcheur. Pour connaître une espèce, l’idéal est tout simplement de se documenter, pour ça il y internet, la littérature, des conférences menées par des naturalistes… etc. On peut citer par exemple le site oiseaux.net, qui offre une base documentaire extrêmement bien pourvue, et pour aller plus loin, je ne peux que vous conseiller l’ensemble de la bibliographie de Paul Géroudet, qui est pour moi la référence absolue en termes de vulgarisation ornithologique. Une fois que vous aurez lu tout ce qui est disponible sur votre espèce cible, vous avez déjà de solides armes entre les mains.
Toute cette littérature va de plus vous donner une clé indispensable : maintenant, vous connaissez le biotope favorable à l’espèce et vous savez donc plus ou moins où la chercher.
Continuons avec notre exemple du martin pêcheur, oiseau de choix tant il est photogénique et la diversité de ses comportements intéressante. Le fait de vous documenter sur le martin va vous donner de nombreuses pistes :
– L’oiseau est présent dans toute la France : rien que ça, c’est pratique à savoir
– Il vit aussi bien sur les rivières que les lacs et étangs, pour peu que l’eau soit de bonne qualité et que les poissons soient nombreux
– L’oiseau creuse son terrier à même les berges, ce qui va également vous donner une bonne piste pour le rechercher.
Alors une fois que vous aurez toutes ces infos, qu’allez-vous en faire ? Vous allez tout simplement (si si, c’est simple !) mettre en corrélation votre connaissance du terrain à votre connaissance de l’espèce. Ces premiers éléments vont déjà vous permettre de définir les zones sur lesquelles vous allez devoir concentrer votre prospection. Je vous conseille également fortement de vous aider des outils qui sont disponibles et dont vous auriez tort de vous priver. Il existe, si l’on continue de développer notre martin pêcheur préféré, de nombreux organismes qui analysent la qualité des cours d’eau et qui pourront vous donner des pistes. De façon plus générale, il y a un outil magique que j’utilise personnellement énormément, il s’agit de Google Map.
Google Map c’est tout simplement la possibilité d’analyser finement des vues aériennes, avec ça rien de plus simple pour repérer des étangs, avoir immédiatement une idée de ce à quoi ressemblent les berges d’une rivière, étudier la facilité d’accès d’un lieu, s’assurer que le spot visé n’est pas trop proche d’une zone trop fréquentée… L’observation attentive d’une vue aérienne peut donner énormément d’informations qui permettront de dégrossir le nombre de zones intéressantes.
Une fois bouclée cette première étape, on attaque le dur du travail : le terrain. Pour ce nouvel exercice il n’y a, à mon sens, que deux choses qui vous sont indispensables : du temps et une paire de jumelles. Pourquoi du temps ? Parce qu’il n’y a pas de secret, il va vous falloir passer du temps sur le terrain, à attendre et à observer (à noter vos observations !) afin de déterminer précisément l’emplacement idéal pour votre affût. Toujours pour notre martin, ce qu’il va vous falloir repérer, ce sont ses perchoirs favoris. Le martin est un oiseau assez routinier et si vous repérez les endroits qu’il affectionne, vous aurez déjà fait une très grosse partie du travail !
Alors voilà où nous en sommes : vous connaissez votre objectif sur le bout des doigts, vous savez où il vit, vous maîtrisez le terrain. Fantastique, on passe maintenant à la photo ! Malheureusement, pas tout à fait. Vous allez désormais vous attaquer au problème épineux et bien trop fréquent à mon goût de la propriété privée et de la réserve protégée ! Dans 90% des cas, avant de vous promener à votre guise, il vous faudra identifier le propriétaire de la zone qui vous intéresse et vous assurer d’avoir le droit d’y accéder. C’est en général quelque chose qui prend beaucoup de temps et bien souvent vous obtiendrez une réponse négative (voir pas de réponse). Cela fait partie du jeu, mais une chose est sûre, pour éviter d’avoir le moindre problème, ne vous aventurez jamais dans des endroits pour lesquels vous n’avez pas d’autorisation.
Cliquez ici pour accéder à la seconde partie de cet article, dans lequel nous nous pencherons avec tout le détail que cela mérite sur le choix de l’affût !
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