Dans le monde de la photo, même si certaines marques font depuis quelques années beaucoup de bruit en sortant des produits de très grande qualité, quand je demande à quelqu’un de me citer spontanément une marque d’appareil photo ou d’objectif, ce sont Canon et Nikon qui sortent en tête de liste. De mon côté, depuis mon passage en numérique il y a plus de 10 ans, je travaille exclusivement avec des boîtiers Canon. D’abord un peu par hasard, car il fallait choisir une marque et le Canon Eos 40D était alors le boîtier de moyenne gamme le meilleur du marché. Et puis j’ai commencé à agrémenter et optimiser mon parc optique, et j’ai toujours trouvé dans la gamme Canon le parfait outil pour répondre à mes besoins. Je suis un fidèle de mon EF 100mm Macro USM pour les petites bêtes, je ne me séparerais pour rien au monde de mon EF 85mm 1.2L USM pour le portrait et, malgré tous les téléobjectifs que j’ai eu l’occasion de tester, mon brave EF 500mm F4L IS USM reste finalement de tous mes voyages. Enfin, pas vraiment de tous…j’ai en effet eu l’occasion d’emmener dans mon sac, pour mon dernier projet photo outre-Atlantique, un EF 200-400 F4L IS USM EXT. Alors, cette optique va-t-elle confirmer tout le bien que je pense de la marque ?
En terme de gabarit, le EF 200-400 F4L IS USM est légèrement plus petit qu’un 500mm, ça ne se joue qu’à quelques centimètres mais cette différence de taille est particulièrement appréciable quand comme moi on voyage avec un sac de taille réduite. Avec mon Thinktank Airport Commuter, il m’est impossible de voyager avec le 500mm monté sur un boîtier, avec le 200-400, ça passe nickel.
Pour ce qui concerne le poids, on est face ici à du plutôt lourd (précisément 430 grammes de plus que le récent EF 500mm F4L IS USM II), mais très bien équilibré, on en reparlera dans la partie prise en main de cet article.
Pour ce qui est de la fabrication et de la qualité des matériaux, c’est du haut de gamme, il n’y a pas grand-chose à en dire. Juste un petit bémol sur le pare soleil. Extrêmement léger, j’avoue qu’au touché j’avais le sentiment d’être face à un objet plutôt fragile, qu’il s’agisse d’ailleurs du pare soleil en lui-même ou de la vis de fixation en particulier. Dans les faits et sur le terrain, rien n’est venu heureusement venu confirmer cette impression. Intéressant également de noter que dans la valise de transport, on trouve une poignée de trépied plus courte, destinée à l’usage avec un monopod, une très bonne idée de la part de Canon. Dommage simplement que les poignées livrées avec l’optique ne soient pas directement compatibles avec une rotule au format Arca, ce qui aurait permis d’éviter de devoir fixer un plateau supplémentaire.
Commençons par les deux blocs de switchs présents sur la partie gauche de cet objectif. Depuis la sortie des versions 2 des téléobjectifs de son line up (300mm F2.8, 400mm F2.8, 500mm F4 et 600mm F4), les ingénieurs et ergonomes de chez Canon ont pris le parti de scinder en deux le bloc des switchs. Le premier bloc, le plus proche du boîtier, est consacré exclusivement aux deux réglages principaux de l’autofocus : d’abord le choix entre AF (autofocus), MF (focus manuel) et le plus original PF (power focus), destiné aux utilisateurs qui font de la vidéo et qui permet une mise au point fluide et sans à-coup, mais de fait moins rapide. Le deuxième sélecteur permet quant à lui de sélectionner la distance de mise au point visée, pas grand-chose de spécifique à dire pour celui-ci si ce n’est qu’il permet de remarquer que la distance de mise au point minimale à toutes les focales est de 2 mètres, on y reviendra, mais c’est très intéressant.
Le second bloc de switchs, placé juste après le collier de pied, nous permet de régler la stabilisation. On a ici le choix entre trois modes : le mode 1, classique, stabilise l’image sur tous les axes. Le mode 2 stabilise les translations horizontales, et permet donc de réaliser plus facilement des filés. Le mode 3 est encore plus spécifique : il détecte comme les deux autres les mouvements, mais ne fonctionne qu’au moment où vous appuyez à fond sur le déclencheur. En théorie, ce mode est censé être idéal pour suivre un sujet en mouvement. En pratique, travaillant énormément à main levée, j’avoue que je préfère quand l’image est stabilisée en permanence, ce que je trouve bien plus confortable, en particulier pendant de longues séances de prises de vue. Ensuite vient le bouton qui permet de déconnecter tout simplement la stabilisation (ce que je vous recommande dès lors que vous utilisez l’optique sur trépied). Enfin en dessous on trouve une fonctionnalité rarement utilisée mais pourtant au combien pratique, le « focus preset ». Ici, il suffit donc de faire sa mise au point, de sélectionner On avec le sélecteur puis de laisser votre doigt appuyer sur le bouton « Set ». Un bip valide l’enregistrement du réglage, et il suffit ensuite de tourner légèrement la bague crantée au bout de l’objectif pour remettre directement en place votre préréglage de mise au point.
Et maintenant, la fonctionnalité que chacun attend que je décrive, et qui correspond à cet étrange et imposant loquet, surmontant une proéminence sur l’objectif : le fameux téléconvertisseur 1.4 intégré à l’optique. Pour rappel, un téléconvertisseur (ou TC) c’est quoi ? C’est un dispositif optique, constitué de plusieurs lentilles, qui permet de multiplier le grossissement d’un objectif. Par exemple, quand on ajoute entre son boitier et son 300mm un Canon Téléconvertisseur EF Multiplicateur 1,4x III, on obtient une focale de 300mm x 1.4, soit 420mm. A noter et particulièrement important à noter, l’ouverture est également impactée, et on perd 1 diaphragme avec un TC 1.4. Avec un 300mm F4 on obtiendra donc finalement un 420mm F5.6. Jusqu’alors, pour utiliser un TC, il fallait démonter son objectif, monter le TC sur l’objectif puis remonter le tout sur le boitier, même pour le photographe expert, cette démarche prend du temps et risque toujours de vous faire rater la bonne image. La bonne, non, l’excellente idée (à tel point qu’on se demande pourquoi ça n’avait pas été fait avant !) de Canon a été d’intégrer directement le TC dans l’objectif, on peut ainsi, simplement en baissant le loquet, mettre en place le TC et transformer son 200-400 F4 en un 280-560 F5.6. Pour résumer, cet objectif pourrait donc en fait être qualifié de 200-560 F4-5.6. Ce sélecteur tombe bien sous la main, se déclenche du bout du pouce, un verrou permet de le bloquer en position 1 ou 1.4, d’un point de vue ergonomie et praticité, je n’ai aucune critique à lui faire, il est pratique et bien pensé, un must.
Pour le reste de la prise en main, on notera, comme dit précédemment, que l’objectif est bien équilibré. J’ai passé de très nombreuses heures à l’utiliser à main levée et, en tenant l’optique de manière à faire reposer sur sa main gauche la poignée du collier de trépied, les bagues de mise au point et de zooming tombent bien sous les doigts. Attention cependant de noter que même si la bague de zooming est fluide, elle nécessite toutefois de mettre un minimum de force pour la tourner, en effet le bloc optique que la bague déplace est constitué de plusieurs lentilles de grande taille, et donc logiquement un peu lourd.
Ce paragraphe va être très court : ce EF 200-400mm F4L IS USM fait la mise au point très, très rapidement. Parmi les derniers objectifs que j’ai testé, ma référence en terme de réactivité est le Sigma 500mm OS DG HSM Sport, ici, on est au moins aussi rapide. C’est simple, pendant les semaines où j’ai confronté cette optique au terrain, je ne pense pas avoir raté une image à cause de l’autofocus (en vrai, si, une fois, mais c’était ma faute, j’étais resté sur un autofocus bridé à 6m, et mon sujet était trop proche). Curieusement, malgré la perte d’un diaphragme et donc de la perte de luminosité qui l’accompagne, je n’ai pas ressenti de baisse de la vélocité de l’AF en activant le TC 1.4.
J’ai évoqué la distance de mise au point minimale de 2 mètres précédemment. A 400mm, cette distance n’est pas si impressionnante, mais quand on met les 560mm dans la balance, cela change les choses. En effet, à 560mm et à 2 m du sujet visé, on se retrouve capable de faire de la proxi-photographie. A titre de comparaison, le rapport de grossissement est à peine moins élevé que celui que procure le EF 300mm F4L IS USM, objectif référence pour de nombreux photographes de papillons et de libellules !
Oui, c’est beau. Sans le téléconvertisseur, les images sont piquées, les bokehs sont fluides et esthétiques (il ne faut évidemment pas s’attendre au fond d’un 400 F2.8 ou d’un 600 F4, les fonds du 200-400 seront forcément un peu moins dilués du fait de la différence d’ouverture) et les contrastes parfaitement rendus. J’ai constaté que le piqué maximum arrivait plutôt à F4,5 mais la différence avec la pleine ouverture reste tellement minime que j’ai shooté à F4 en permanence.
Et avec le téléconvertisseur ? Curieusement, je n’ai pas constaté d’amélioration du piqué en fermant le diaphragme, dès 5.6, les images sont impressionnantes de détail ! Et ce quelle que soit la focale. J’avais énormément d’a priori sur cette optique, je l’imaginais parfaite sans le TC et pensait rarement utiliser ce dernier. Finalement, quand je regarde aujourd’hui côte à côte des images prises à 400mm et d’autres à 560mm, il m’est souvent difficile de savoir lesquelles sont faites avec le téléconvertisseur, signe que la formule optique est particulièrement bonne.
Cet objectif est parfait s’il répond à votre besoin : un télézoom permettant une très grande variabilité de cadrages avec une ouverture beaucoup plus intéressante que les autres télézooms du marché. Il faut juste avoir en tête qu’il représente un budget certain : les seuls objectifs plus chers que ce EF 200-400mm F4L IS USM sont les EF 600mm F4L IS USM II et EF 800mm F5.6L IS USM, il se destine donc en priorité aux pros ou aux amateurs (très) avertis !
En tout cas, je dois l’avouer, pas une seule fois je n’ai regretté d’avoir eu cette optique dans ma valise plutôt que mon EF 500F4L IS USM, et ça, c’est le signe qu’on est en face d’un objet d’exception.
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